Tous droits réservés, Arlène Müller
Elles restèrent encore longtemps à observer le ciel ce soir-là, puis épuisées elles s’endormirent toutes les trois sur leurs chaises longues, lovées dans leurs couvertures. Maman et papa durent les porter dans leur lit.
Le lendemain matin, Amélie se réveilla de bonne humeur en fredonnant son air favori.
- Tu as bien dormi ma chérie ?
- Oui, j’ai rêvé que mon vœu a été exaucé, chuchota-t-elle à l’oreille de sa mère.
- Ah ouais ? répondit cette dernière tout-bas en lui faisant un clin d’œil.
On était samedi et les filles avaient prévu d’aller faire du shopping avec leur maman, leur papa souhaitant rester bricoler à la maison. Après le déjeuner, Amélie, qui avait déjà mangé deux glaces, en voulu une troisième.
- Ah non, il n’en est pas question Amélie. Je crois que deux glaces cela suffit largement.
La petite Amélie partit boudeuse dans le jardin. Elle alla s’installer dans son coin favori, à côté du toboggan. Les yeux à moitié éblouis par la lumière du soleil, elle laissait le vent lui caresser le visage tout en observant, en silence, les allées et venues de l’écureuil entre les conifères et le noisetier, lorsqu’elle entendit :
- Qu’est-ce t’as à me regarder comme ça toi ?
Elle sursauta, se leva, regarda autour d’elle. Il n’y avait personne : ses grandes sœurs écoutaient de la musique dans leur chambre et ses parents étaient dans la cuisine.
- Tu pourrais au moins me répondre quand même !
- Euh, c’est qui, qui parle ?
- Ben moi pardi !
Elle se frotta les yeux et se pinça pour voir si elle ne rêvait pas.
- Oh, la, la, la, la, la, la, la
- C’est toi qui a parlé petit écureuil ?
- Petit ? Qui est petit ici ?
- Euh, désolée, ben moi non plus j’aime pas qu’on m’appelle petite.
- Ben, je le sais bien justement.
- Comment tu le sais ?
- Ben, parce que j’habite ici pardi ! Je t’ai souvent vu pleurer, tu sais, dans ta cabane, quand tes sœurs ne voulaient pas jouer avec toi.
- Et pourquoi tu m’as jamais parlé avant ?
- Ben, tu m’aurais compris ?
- Euh, je sais pas trop, je crois pas.
- Ben alors ! Ah, au fait, moi c’est Patrick.
- Et moi c’est…
- Amélie, tout le monde le sais ici.
- C’est bizarre, j’ai toujours rêvé de parler avec les animaux, mais mon papa et ma maman, eh bien ils disent que les animaux, ça ne peut pas parler.
- Ben tes parents ils savent rien du tout. Tu vois bien que je peux parler avec toi !
- Mais avant, je pouvais pas et je crois que c’est à cause du vœu que j’ai fait hier soir en regardant les étoiles filantes.
- Ahan, ben se sera pas la première fois ni la dernière qu’un vœu se réaliserait un soir d’août, dit-il en lui faisant un clin d’œil. Ah au fait, pendant que j’y pense, pensez à nous laisser quelques noisettes tes sœurs et toi quand vous jouez dehors. On en a besoin pour nos réserves. Les pommes de pin, j’en veux pas tous les jours. Tu t’imagines toi, manger la même chose tous les jours ?
- Ah non, pas du tout !
- Donc tu me comprends ?
- Oui, j’oublierai pas de t’en laisser, c’est promis.
- T’inquiètes pas, t’es toute pardonnée. Tu es si gentille. Par contre, ton papa, je crois l’avoir entendu dire qu’il veut couper le noisetier et tous nos conifères parce qu’ils font trop d’ombre et ça s’rait pas sympa du tout. On irait où nous ?
- Tu comprends mon papa aussi ?
- Ben évidemment ! Tous les animaux comprennent les humains. Ya que vous qui ne nous compreniez pas.
- Ben j’en parlerai à papa alors.
- Merci l’amie !
- L’amie ? On est amis maintenant ?
- Ben, je pensais que tu voulais être notre amie ! Tous ceux qui aiment les animaux sont nos amis.
- Mais oui bien sûr !
À ce moment-là, Amélie entendit ricaner derrière elle. Ça ne pouvait pas être Patrick, puisqu’il était en face d’elle.
- Trop marrante la p’tite ! Hihihi !
- Chuis pas petite ! dit-elle furieuse en se retournant.
Elle faisait maintenant face à son nouvel interlocuteur et n’en croyait pas ses yeux, car elle parlait, en effet, avec Camilo, son cochon d’inde.
- Camilo ? Tu parles ?
- Ben, qu’est-ce qu’il vient de te dire Patrick ?
- Je ne pensais pas que ça serait pour toi aussi mon p’tit Camilo !
- MONSIEUR Camilo, s’il te plait ! Je suis peut-être petit de taille, mais je suis un monsieur.
- Oh, désolée, MONSIEUR Camilo !
- Tiens, pendant qu’on y est, ma p’tite demoiselle, la brosse que tu utilises pour me coiffer, elle n’est pas très douce, tu sais, elle tire beaucoup sur mes poils et ça fait très mal. Ce n’est parce que je suis un animal que je ne sens pas la douleur. Et, autre chose, lorsque tu me portes, n’oublies pas que je suis un être vivant et pas une peluche, même si je leur ressemble sur certains aspects. On doit pouvoir se regarder, communiquer. Tu dois mettre mes pattes contre ton buste, comme si tu me donnais du lait. Tu comprends ?
- Oh, t’es trop marrant Camilo !
- Ben, chuis pas marrant, c’est la vérité.
- Je te promets de faire très attention la prochaine fois.
- Merci Mamzelle !
- De rien Monsieur !
- Attention ! dirent Patrick et Camilo en cœur, quelqu’un arrive ! Il ne faut surtout pas révéler notre secret, ok ?
- D’accord, répondit-elle complice.
Patrick fila se réfugier tout en haut du noisetier et Camilo recommença à se comporter comme le ferait un « animal normal ». Quant à Amélie, elle fit semblant de ramasser des noisettes, en veillant bien à en laisser quelques-unes à Patrick et à ses amis (...)
C’était leur secret. Plus jamais elle ne se sentirait seule. Plus jamais elle ne se sentirait petite dans ce monde de grands.
Tous droits réservés, Arlène Geneviève Müller
Le lendemain matin, Amélie se réveilla de bonne humeur en fredonnant son air favori.
- Tu as bien dormi ma chérie ?
- Oui, j’ai rêvé que mon vœu a été exaucé, chuchota-t-elle à l’oreille de sa mère.
- Ah ouais ? répondit cette dernière tout-bas en lui faisant un clin d’œil.
On était samedi et les filles avaient prévu d’aller faire du shopping avec leur maman, leur papa souhaitant rester bricoler à la maison. Après le déjeuner, Amélie, qui avait déjà mangé deux glaces, en voulu une troisième.
- Ah non, il n’en est pas question Amélie. Je crois que deux glaces cela suffit largement.
La petite Amélie partit boudeuse dans le jardin. Elle alla s’installer dans son coin favori, à côté du toboggan. Les yeux à moitié éblouis par la lumière du soleil, elle laissait le vent lui caresser le visage tout en observant, en silence, les allées et venues de l’écureuil entre les conifères et le noisetier, lorsqu’elle entendit :
- Qu’est-ce t’as à me regarder comme ça toi ?
Elle sursauta, se leva, regarda autour d’elle. Il n’y avait personne : ses grandes sœurs écoutaient de la musique dans leur chambre et ses parents étaient dans la cuisine.
- Tu pourrais au moins me répondre quand même !
- Euh, c’est qui, qui parle ?
- Ben moi pardi !
Elle se frotta les yeux et se pinça pour voir si elle ne rêvait pas.
- Oh, la, la, la, la, la, la, la
- C’est toi qui a parlé petit écureuil ?
- Petit ? Qui est petit ici ?
- Euh, désolée, ben moi non plus j’aime pas qu’on m’appelle petite.
- Ben, je le sais bien justement.
- Comment tu le sais ?
- Ben, parce que j’habite ici pardi ! Je t’ai souvent vu pleurer, tu sais, dans ta cabane, quand tes sœurs ne voulaient pas jouer avec toi.
- Et pourquoi tu m’as jamais parlé avant ?
- Ben, tu m’aurais compris ?
- Euh, je sais pas trop, je crois pas.
- Ben alors ! Ah, au fait, moi c’est Patrick.
- Et moi c’est…
- Amélie, tout le monde le sais ici.
- C’est bizarre, j’ai toujours rêvé de parler avec les animaux, mais mon papa et ma maman, eh bien ils disent que les animaux, ça ne peut pas parler.
- Ben tes parents ils savent rien du tout. Tu vois bien que je peux parler avec toi !
- Mais avant, je pouvais pas et je crois que c’est à cause du vœu que j’ai fait hier soir en regardant les étoiles filantes.
- Ahan, ben se sera pas la première fois ni la dernière qu’un vœu se réaliserait un soir d’août, dit-il en lui faisant un clin d’œil. Ah au fait, pendant que j’y pense, pensez à nous laisser quelques noisettes tes sœurs et toi quand vous jouez dehors. On en a besoin pour nos réserves. Les pommes de pin, j’en veux pas tous les jours. Tu t’imagines toi, manger la même chose tous les jours ?
- Ah non, pas du tout !
- Donc tu me comprends ?
- Oui, j’oublierai pas de t’en laisser, c’est promis.
- T’inquiètes pas, t’es toute pardonnée. Tu es si gentille. Par contre, ton papa, je crois l’avoir entendu dire qu’il veut couper le noisetier et tous nos conifères parce qu’ils font trop d’ombre et ça s’rait pas sympa du tout. On irait où nous ?
- Tu comprends mon papa aussi ?
- Ben évidemment ! Tous les animaux comprennent les humains. Ya que vous qui ne nous compreniez pas.
- Ben j’en parlerai à papa alors.
- Merci l’amie !
- L’amie ? On est amis maintenant ?
- Ben, je pensais que tu voulais être notre amie ! Tous ceux qui aiment les animaux sont nos amis.
- Mais oui bien sûr !
À ce moment-là, Amélie entendit ricaner derrière elle. Ça ne pouvait pas être Patrick, puisqu’il était en face d’elle.
- Trop marrante la p’tite ! Hihihi !
- Chuis pas petite ! dit-elle furieuse en se retournant.
Elle faisait maintenant face à son nouvel interlocuteur et n’en croyait pas ses yeux, car elle parlait, en effet, avec Camilo, son cochon d’inde.
- Camilo ? Tu parles ?
- Ben, qu’est-ce qu’il vient de te dire Patrick ?
- Je ne pensais pas que ça serait pour toi aussi mon p’tit Camilo !
- MONSIEUR Camilo, s’il te plait ! Je suis peut-être petit de taille, mais je suis un monsieur.
- Oh, désolée, MONSIEUR Camilo !
- Tiens, pendant qu’on y est, ma p’tite demoiselle, la brosse que tu utilises pour me coiffer, elle n’est pas très douce, tu sais, elle tire beaucoup sur mes poils et ça fait très mal. Ce n’est parce que je suis un animal que je ne sens pas la douleur. Et, autre chose, lorsque tu me portes, n’oublies pas que je suis un être vivant et pas une peluche, même si je leur ressemble sur certains aspects. On doit pouvoir se regarder, communiquer. Tu dois mettre mes pattes contre ton buste, comme si tu me donnais du lait. Tu comprends ?
- Oh, t’es trop marrant Camilo !
- Ben, chuis pas marrant, c’est la vérité.
- Je te promets de faire très attention la prochaine fois.
- Merci Mamzelle !
- De rien Monsieur !
- Attention ! dirent Patrick et Camilo en cœur, quelqu’un arrive ! Il ne faut surtout pas révéler notre secret, ok ?
- D’accord, répondit-elle complice.
Patrick fila se réfugier tout en haut du noisetier et Camilo recommença à se comporter comme le ferait un « animal normal ». Quant à Amélie, elle fit semblant de ramasser des noisettes, en veillant bien à en laisser quelques-unes à Patrick et à ses amis (...)
C’était leur secret. Plus jamais elle ne se sentirait seule. Plus jamais elle ne se sentirait petite dans ce monde de grands.
Tous droits réservés, Arlène Geneviève Müller